Tout a commencé il y a un an de cela, lorsque nous nous sommes retrouvés à six pour nous lancer dans la grande aventure des Jeunesses Scientifiques. C’est notre professeur de mathématique qui nous en avait parlé, restait seulement à choisir le sujet qui allait devenir notre guide. Notre dévolu tomba sur la problématique du plus court chemin. Derrière ce concept si simple en apparence, se cache tout un monde de questions plus intrigantes les unes que les autres. Un petit aperçu en est sans doute nécessaire.
Le premier cas qui nous vient à l’esprit est évidemment celui de la ligne droite. Elle constitue en effet la solution au problème lorsqu’on se place dans un plan. Mais lorsqu’on s’interroge, par exemple, sur le plus court chemin reliant deux points situés sur deux faces d’un cube, lorsqu’on ne peut pas sortir de la surface du cube, il devient alors impossible de tracer une simple ligne droite. Il faut en effet développer le cube dans le plan et travailler sur ses patrons. En essayant les différentes possibilités, on peut finalement déterminer le trajet le plus court.
Une autre situation où il est impossible de tracer une ligne droite est celle de la surface d’une sphère (la Terre par exemple). Une autre difficulté se pose aussi, c’est qu’il est impossible d’aplanir correctement une sphère. C’est pourquoi on ne peut pas se contenter de simplement tracer un trait sur un planisphère car les distances réelles n’y sont pas respectées. Pour relier deux villes en minimisant la distance parcourue, il faut en fait suivre le grand cercle qui les joint, c’est à dire le cercle dont le centre coïncide avec celui de la Terre elle-même. C’est ce qui explique qu’un avion, pour arriver au Canada depuis l’Europe, doit presque passer par le pôle Nord…
Jusqu’ici, nous avons toujours cherché à minimiser des distances. Mais il peut être intéressant de comparer le chemin le plus court avec le plus rapide ! En effet, nous allons voir que ce ne sont pas toujours les mêmes. Nous allons aussi tracer un parallèle entre le chemin le plus rapide et celui que suit la lumière…
Prenons l’exemple d’un vacancier situé sur une plage et se proposant d’atteindre une bouée à quelques dizaines de mètres de la berge. Féru de mathématiques, notre gaillard ne se contente pas de foncer directement en ligne droite vers son objectif, mais se propose de trouver le point où il doit quitter la plage pour entrer dans l’eau et commencer à nager de manière à ce qu’il arrive le plus rapidement à la bouée. Figurez-vous qu’après quelques calculs un peu fastidieux, il en conclut que le trajet le plus rapide n’est pas une ligne droite mais bien deux segments de droites ! En effet, puisque sa vitesse est plus grande sur terre qu’en mer (un homme marche plus vite qu’il ne nage), il est plus avantageux pour lui de rester plus longtemps sur la plage…
Il est intéressant ici de relier cette trajectoire optimale avec celle que suit un rayon de lumière lorsqu’il se réfracte d’un milieu à un autre. En effet, la loi de Descartes, bien connue en optique, s’applique aussi dans le cas de notre nageur !
Considérons maintenant deux points de l’espace et l’ensemble des courbes les reliant. Nous allons chercher celle sur laquelle devrait glisser une bille (soumise à la force de gravitation) de manière à ce qu’elle joigne les deux points en un temps minimal. A nouveau, il ne s’agit pas de la ligne droite, mais bien d’une cycloïde, courbe décrite par un point fixe situé sur un cercle roulant le long d’une ligne droite (la trajectoire de la pipette d’une roue de vélo par exemple).
Ici aussi, on peut faire un parallèle entre la cycloïde obtenue et le trajet de la lumière. Lorsque celle-ci se déplace dans un milieu dont la densité varie de manière constante avec la profondeur, elle suit également une cycloïde ! C’est cette propriété qui explique par exemple les mirages qui trompent bien souvent les voyageurs du désert. Ces deux similitudes entre le chemin le plus rapide et celui de la lumière ne sont en fait pas dues au hasard. En effet, elles s’accordent avec le principe de Fermat selon lequel la lumière se déplace toujours selon une trajectoire telle que le temps de parcours soit minimal.
C’est sur cette conclusion que s’arrête notre travail, mais la problématique du plus court chemin est en fait beaucoup plus vaste ! On peut par exemple étendre la question à d’autres géométries, comme celles de Lobatchevski ou de Riemann (la surface de la sphère en était un exemple) pour vous donner quelques noms. En dehors de la géométrie, on la retrouve aussi par exemple dans la théorie des graphes qui sert entre autre à minimiser le trajet parcouru pour relier plusieurs villes. Bref c’est un sujet intarissable qui ne cessera de nous étonner.
C’est avec ce projet que nous nous sommes présentés à l’Expo-Sciences des Jeunesses Scientifiques de Belgique, et c’est encore lui que nous avons partagé pendant trois jours avec de nombreux visiteurs. Bien nous en pris car au terme de l’exposition, nous avons décroché le cinquième prix et avec lui une invitation pour l’Expo-Sciences de Bratislava.
Les mois passèrent, puis vint le moment du départ, et finalement celui de l’arrivée en Slovaquie. Nous n’étions alors plus que cinq, le travail universitaire ayant retenu l’un de nous. Nous nous sommes retrouvés avec trois autres délégations, l’une venant d’Espagne, une autre de Tchéquie et la dernière de Pologne. Tous ensemble, nous avons alors eu droit à deux jours de visite à travers la ville. Ensuite, les trois jours qui suivirent, nous avons représenté notre projet, mais cette fois à des Slovaques, et tout en anglais ! Mais l’effort en valait la chandelle, un grand merci à toute l’organisation !